Le Yunnan ou Voyage au origines du thé

Le Yunnan ou Voyage au origines du thé

1. La route du thé et de la soie

La Route de la Soie du Sud, mieux connue sous le nom de route du thé et des chevaux est antérieure à son célèbre homologue du Nord d’au moins 300 ans et constituait une voie de communication importante pour les échanges de divers produits entre les régions voisines. Elle fut l’une des plus longues routes commerciales de l’ancien monde. Les premiers documents en faisant état datent de la dynastie des Tang (618-907) et localement de la période du Royaume Nanzhao (649-920). Des plantations en coteaux de Simao et Xishuangbanna les muletiers apportaient du thé Pu’er et achetaient aux commerçants birmans souvent accompagnés par des moines indiens du cuir et des os d’animaux destinés à la médecine chinoise. Le sel, un produit essentiel avant l’avènement de la réfrigération, venait de Qiaohou, au sud de Shaxi et de Yunlong. En dehors de ces produits de première nécessité feutre, soie, pierres précieuses et opium transitaient par ce chemin. Les Tibétains en profitaient également pour commercer les produits locaux tels que le musc, les champignons rares et médicaments trouvés dans les montagnes glaciales au nord.

La route du thé et des chevaux reliant le Tibet au sud-ouest de la Chine

history

Le village de Sideng est devenu un relai de poste important pour les caravanes de commerçants et toute la vallée prospérait sous les dynasties Ming et Qing. La place du marché de Sideng devenue célèbre dans tout le sud-ouest attirait les commerçants à partir d’un large éventail de cultures renforçant ainsi la rentabilité de la route du Thé et des chevaux. Les Hani du sud du Yunnan vendaient du thé et des tissus, les Naxi de Lijiang du bois tandis que la communauté musulmane Hui achetait des fourrures de yaks et des chevaux. La richesse générée par tous ces échanges se retrouve dans l’architecture locale avec des portes imposantes et des cours spacieuses. Au centre, se dresse le théâtre de la dynastie Qing juste en face de l’ancien temple dédié à un éventail aussi large de croyances que les marchands et les pèlerins qui se rendaient dans ce village.

Les routes caravanières se finalement éteintes il y a environ 60 ans, lorsque l’Armée populaire de libération nouvellement formée a colonisé le Tibet occidental et réquisitionné tous les animaux de trait. Les habitants revinrent rapidement à l’agriculture et ont passé les dernières décennies dans un isolement relatif.

the Pu erh du Yunnan

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2. Le the Puer, le début d’une histoire

L’épopée de la Route du Thé et des Chevaux est inspirée de ce célèbre thé cultivé dans la région sud du Yunnan : le Xishuangbanna. Tirant son nom de la ville où était jadis collecté le thé des montagnes voisines, le pu’er pousse dans le berceau de « l’or vert ». C’est ici, au cœur de la ceinture du thé s’étendant de l’Assam jusqu’au nord du Vietnam que se trouve les origines du thé et de ses variétés. Le thé est cultivé par diverses minorités montagnardes, comme les Blang et les Akha (Aini en chinois) depuis au moins un millénaire et c’est à partir de cette région que sa culture s’est répandue en Chine et dans le monde entier. C’est au VIIe siècle que l’empire tibétain Tubo, après avoir conquis la plus grande partie du Yunnan actuel découvrit le thé. Une autre hypothèse serait que le thé fut découvert lorsque Tang Taizong, empereur de la dynastie Tang, offrit la princesse Wencheng en mariage au roi du Tibet, Songtsen Gampo. Une chose est sûre : les Tibétains ont développé une grande passion pour le thé toujours vivace de nos jours. Le thé et ses vertus comblent en effet des lacunes diététiques et en matière de santé, soulage le stress oxydatif lié à la vie en haute altitude sur le plateau tibétain. Le thé devint une activité strictement réglementée sous le gouvernement chinois, lequel souhaitait obtenir en échange des chevaux de guerre tibétains pour son armée impériale. Le thé est divisé en six types différents (vert, blanc, jaune, Oolong, noir et pu’er) selon son mode de transformation. Le thé pu’er répond à un processus bien spécifique, la post-fermentation. Contrairement à d’autres thés, le pu’er poursuit sa fermentation même après avoir été conditionné et se bonifie avec le temps à l’image un vin convenablement stocké. Cette fermentation se produisait, à l’origine, lors du transport des « gâteaux de thé » conditionnés dans des nattes de bambou, bravant les intempéries à dos de cheval, de la Route du Thé et des Chevaux.

Plantation du the Lincang

3. Une saveur ancestrale : Le thé au beurre de Yak

Le-thé-au-beurre- Shangri-la

Le thé au beurre est très populaire au Tibet et fait partie intégrante de la culture locale. Si la découverte (VIIe siècle, au Tibet) et le commerce du thé sont à l’origine de la Route du Thé et des Chevaux (voir [link to Pu’er tea article]), la boisson elle-même a fortement évolué depuis l’époque lointaine où elle était dégustée par les habitants du sud du Yunnan et de la Chine entière. Appelé po cha, bod ja, ja srub ma ou encore suyou cha (酥油茶) par les Chinois, le thé au beurre est préparé à partir de beurre de yak et de sel. Peu de gens autres que les Tibétains se sont déjà aventurés à goûter cette boisson particulièrement nutritive. Le thé est d’abord bouilli puis longuement infusé (généralement pendant une heure). Une noix de beurre de yak (plus précisément, de beurre de dri, la femelle de l’espèce) est ajoutée dans une grande baratte cylindrique (voir photo) appelée mdong mo, accompagnée d’une poignée de sel. Le thé infusé est ajouté puis le mélange est baratté à l’aide d’un piston. Comme l’écrivain et explorateur britannique Spencer Chapman l’a parfaitement décrit, « le résultat obtenu est un liquide pourpre d’un goût inhabituel pour le thé, quoiqu’excellent en soupe. » Le thé au beurre est bu en grandes quantités par les Tibétains qui, fidèles à leur sens de l’hospitalité, le servent systématiquement à leurs hôtes. Il est de coutume de remplir de nouveau le bol de thé au beurre après chaque gorgée, afin de ne jamais laisser le récipient vide. Si la rancidité du beurre de dri peut rebuter le néophyte, son goût semble ne pas déranger le moins du monde les Tibétains. Le thé au beurre n’est pas votre truc ? Après en avoir bu une première gorgée, laissez votre bol de côté, qui sera alors de nouveau rempli par votre hôte. Puis, avant de prendre congé, buvez le breuvage d’un seul trait. De cette manière, l’honneur et le protocole seront saufs !